« Printemps 1940, ça douille à l'arsenal de Rennes » : différence entre les versions

De WikiRennes
Aller à la navigationAller à la recherche
(3ème)
Ligne 18 : Ligne 18 :


== L'arsenal au printemps 1940 ==
== L'arsenal au printemps 1940 ==
La première évocation de l'arsenal, dès la première lettre, celle du ''mardi soir'' 6 février 1940, conservée par la réponse du 9, est déjà un peu absconse : ''moi hier, j'ai tiré un peu dure à travailler ; j'avais dormi de 3 h à 4 h 1/2 aussi j'ai trouvé mon lit bon à 7 heures hier soir - et toi tu devais être aussi bien fatigué - moi j'ai repris mon petit boulot, chacun fait le sien. Maintenant, il y a eu des histoires : Leroux m'a dit que je ne serais payé que trois jours ; c'est malheureux à une journée près.'' Le mot fatigue est une des allusions au voyage de retour au front<ref>Saint-Fergeux, petite commune du département des Ardennes. Il neige en ce mois de février.</ref> après une permission, une autre étant que mon grand-père a oublié sa ''cravate caquis''... Mais, la fatigue pouvait avoir d'autres motifs, notoirement plus doux que les tressautements incessants des wagons de permissionnaires, la séparation s'avérant bien pénible : ''mon pauvre petit, je n'en suis pas encore revenu ; que c'est tout de meme dure de ce séparer ; il faut y passer pour savoir. Fait attention à ta toux et met toi des ricolo - moi je tousse aussi un peu, j'ai mis un cataplasme.'' La réponse du 9 montre chez le combattant une certaine acrimonie à l'égard de Bretons ou Rennais : Je suis bien content que cela débale par chez nous ; ils en ont profitter assez - cela leur fera un peu voir et les derniers parti ne seront peut être pas mieu que les dernier'' [sic]. Il doit s'agir d'un écho au propos de sa femme : ''M. La---gne a reçu sa feuille de route pour partir ; il va au Mans ; ça va peut etre deguerpir par la, il commence à etre temps''.
La première évocation de l'arsenal, dès la première lettre, celle du ''mardi soir'' 6 février 1940, conservée par la réponse du 9, est déjà un peu absconse : ''moi hier, j'ai tiré un peu dure à travailler ; j'avais dormi de 3 h à 4 h 1/2 aussi j'ai trouvé mon lit bon à 7 heures hier soir - et toi tu devais être aussi bien fatigué - moi j'ai repris mon petit boulot, chacun fait le sien. Maintenant, il y a eu des histoires : Leroux m'a dit que je ne serais payé que trois jours ; c'est malheureux à une journée près.'' Le mot fatigue est une des allusions au voyage de retour au front<ref>Saint-Fergeux, petite commune du département des Ardennes. Il neige en ce mois de février : neige toujours au sol, début avril.</ref> après une permission, une autre étant que mon grand-père a oublié sa ''cravate caquis''... Mais, la fatigue pouvait avoir d'autres motifs, notoirement plus doux que les tressautements incessants des wagons de permissionnaires, la séparation s'avérant bien pénible : ''mon pauvre petit, je n'en suis pas encore revenu ; que c'est tout de meme dure de ce séparer ; il faut y passer pour savoir. Fait attention à ta toux et met toi des ricolo - moi je tousse aussi un peu, j'ai mis un cataplasme.'' La réponse du 9 montre chez le combattant une certaine acrimonie à l'égard de Bretons ou Rennais : Je suis bien content que cela débale par chez nous ; ils en ont profitter assez - cela leur fera un peu voir et les derniers parti ne seront peut être pas mieu que les dernier'' [sic]. Il doit s'agir d'un écho au propos de sa femme : ''M. La---gne a reçu sa feuille de route pour partir ; il va au Mans ; ça va peut etre deguerpir par la, il commence à etre temps''.


La seconde lettre, du 27 février, est entièrement consacrée à des décès, se lamentant même : ''On n'entend parler que de decès''. Elle relève à ce sujet un crime survenu à quelques rues de là : ''[[Rue Lobineau]], il y a eu un drame : un permissionnaire a pris sa femme en faute - il a du tuer le type, mais les journaux en n'ont pas parlé. C'est un café qui fait le coin de la [[rue Ginguené]]. C'est du beau. Ce n'est que le commencement, ce n'est pas la fin.''
La seconde lettre, du 27 février, est entièrement consacrée à des décès, le déplorant pourtant : ''On n'entend parler que de decès''. Elle relève à ce sujet un crime survenu à quelques rues de là : ''[[Rue Lobineau]], il y a eu un drame : un permissionnaire a pris sa femme en faute - il a du tuer le type, mais les journaux en n'ont pas parlé. C'est un café qui fait le coin de la [[rue Ginguené]]. C'est du beau. Ce n'est que le commencement, ce n'est pas la fin.''


Elle ajoute : ''La mere Hinet a mis le litre de cidre à 28 sous et sous peu à 1 [franc] 50. Je te dis qu'elle n'est pas longtemps à majorer les prix.''
Elle ajoute : ''La mere Hinet a mis le litre de cidre à 28 sous et sous peu à 1 [franc] 50. Je te dis qu'elle n'est pas longtemps à majorer les prix.''
Ligne 26 : Ligne 26 :
Il semble qu'elle travaille de nuit en commençant à 15 h 30.
Il semble qu'elle travaille de nuit en commençant à 15 h 30.


Dans la troisième lettre, du jeudi 28 mars, ma grand-mère, bien morose, ne craint pas de faire état de son "cafard" : elle se termine un peu ''gravement'' par : ''Ta petite épouse qui t'aime et t'attend.''. La lettre en réponse sera d'ailleurs bien chaude, pas seulement en raison de la météo devenue souriante. Elle dit aussi sa maison pleine, et qu'elle n'a pu faire ce qu'elle avait prévu, en raison de cet afflux de visites, amicales ou familiales. On y trouve la seconde allusion à des costumes de laine en provenance du secteur de Guer/Plélan : ''Hier, j'ai eu la visite de ma tante et de Rosalie [Tigier, belle-soeur]. Elles m'ont apportés les costumes. J'en ai pris 2 pour moi à ce prix là. Les lainages sont d'un prix fou : un pour Me Monnerais et l'autre pour Me. Bouillez. Mme. Louessard en voudrait aussi ; je vais tacher de lui en faire avoir un.'' ajoutant : ''Sur le journal, je viens de voir que l'on va avoir 10 [francs] pour l'allocation militaire. On n'aura pas de trop, car la vie est bien chère".
Dans la troisième lettre, du jeudi 28 mars, ma grand-mère, bien morose, ne craint pas de faire état de son "cafard" : elle se termine un peu ''gravement'' par : ''Ta petite épouse qui t'aime et t'attend.''. La lettre en réponse sera d'ailleurs bien chaude, pas seulement en raison de la météo devenue souriante. Elle dit aussi sa maison pleine, et qu'elle n'a pu faire ce qu'elle avait prévu, en raison de cet afflux de visites, amicales ou familiales. On y trouve la seconde allusion à des costumes de laine en provenance du secteur de Guer/Plélan : ''Hier, j'ai eu la visite de ma tante et de Rosalie [Tigier, belle-soeur]. Elles m'ont apportés les costumes. J'en ai pris 2 pour moi à ce prix là. Les lainages sont d'un prix fou : un pour Me Monnerais et l'autre pour Me. Bouillez. Mme. Louessard en voudrait aussi ; je vais tacher de lui en faire avoir un.'' - ajoutant : ''Sur le journal, je viens de voir que l'on va avoir 10 [francs] pour l'allocation militaire. On n'aura pas de trop, car la vie est bien chère".


La lettre du 3 avril n'est pas plus gaie, avec mention de cas de permissionnaires plus chanceux : "tout le monde vient, et pas mon petit soldat cheri", mettant à contribution son fils dans cette doléance par les mots qu'elle lui prête : ''comme dit Yves, il va peut être venir avec ses trois cheveaux, le pauvre papa. Il serait bien fatigué...". Son père n'est en fait pour l'heure qu'un modeste palfrenier occupant son temps comme il peut : ''... quand on voit les chefs, on fait mine de frotter...''<ref>D'abord mobilisé dans le 265e régiment d'artillerie lourde divisionnaire, il était passé en octobre 1939 dans le 206e RALD<\ref>.
Il y est rapidement question de l'arsenal : ''Je suis aus pieces de ce matin ; soit disant que l'on va avoir davantage ; les autres vont y etre ces jours ici. On verra bien ce que ça donnera.''


== Notes et références ==
== Notes et références ==
3 169

modifications

Menu de navigation