À Rennes, Du Perron de Maurin, chasseur de Juifs puis milicien

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Au début des années trente, Raymond Du Perron de Maurin tenait à Dinars, sa ville d’origine, un atelier de relieur où il travaillait fort peu, s’employant surtout à prospecter la région malouine en vue de recruter pour des partis politiques de droite. Il était localement peu apprécié: d’aucuns le trouvaient paresseux, peu intelligent, vivant d’expédients, et peu fiable. Il fut chef régional de la Solidarité française, mouvement fasciste français des années 1930 et il fut correspondant en France de l’Institut international des questions juives de Francfort. À l’été 1941, il s’engagea dans la Légion des volontaires français (LVF) et fut réformé à la suite de blessures. Après avoir lutté contre les communistes, Du Perron de Maurin allait, selon ses convictions, s’engager contre ceux qu’il considéraitcomme des ennemis : les Juifs.

Un chasseur de Juifs

Le 3 décembre 1942, Jean Quénette, préfet régional de Bretagne, informe les préfets des quatre départements de sa circonscription qu’il a eu la visite d’ un M. Ratton, chef des délégués régionaux à la Police des Questions Juives, dépendant du CGQJ, le commissariat général aux questions juives de Louis Darquier de Pellepoix. Il était accompagné de M. Du Perron de Maurin , 41 ans, qui fut présenté comme le délégué régional des Sections d’Enquête et de Contrôle du Commissariat Général des Questions Juives pour la Bretagne. La Bretagne était pourtant une région où les habitants d’origine juive étaient peu nombreux mais où des Juifs d’autres régions étaient venus se cacher depuis quelques mois et les services de Darquier de Pellepoix, l’actif commissaire général, devaient être implantés partout. Même si deux grandes rafles avaient déjà eu lieu et avaient été assez fructueuses, avec 46 Juifs arrêtés en Ille-etVilaine, [1] un délégué régional du CGQJ était mis en place. L’antenne régionale du commissariat général aux questions juives fut installée au 7 rue de Nemours, à Rennes, dans l’appartement anciennement cabinet dentaire de M. Jean Schklarewski, Juif déporté six mois auparavant. Très vite, la personnalité et les agissements du délégué régional moins de deux mois après son entrée en fonction, suscitèrent critiques et protestations et le préfet d’Ille-et-Vilaine diligenta une enquête de police dont il rendit compte, le 6 février 1943, au commissaire général aux questions juives. Son action, avait, d’ores et déjà, été la cause de réels désordres, dans la ville de Dinard qu’il connaissait si bien, au point que le maire et le sous-préfet de Saint-Malo, soucieux de garantir l’ordre public, avaient fait exercer autour de lui une surveillance constante car il enquêtait, perquisitionnait et faisait procéder par la police allemande à des arrestations de personnes qu’il considérait, à tort ou à raison, comme non aryennes. Aussi, considérant la présence à Dinard de Du Perron De Maurin absolument indésirable, demanda -t -il instamment, mais en vain, qu’il fut relevé dès que possible de ses fonctions. En fait, cette administration parallèle du commissariat aux questions juives ternissait l’image du service public. Du Perron de Maurin s’avéra un déterminé chasseur des Juifs qu’il considérait comme un gibier à traquer, à débusquer et dont il y avait lieu de se débarrasser en le livrant aux Nazis du SD. Après une tentative d’attentat par envoi d’un colis piégé à son bureau, [rue de Nemours, il demanda une protection, le 6 octobre, 1942 au Kommandeur de la police de sûreté du SD et un agent de police qui fut détaché à la garde de ses bureaux.

En bon nazi, il devient milicien

En juin 1943, il créa le Cercle d’études national-socialiste (CENS) auquel adhéra Guy Vissault estimant que « Nous ne pouvons espérer notre relèvement que par une politique raciste et eugénique. L'apport de sang étranger ne peut qu'amener la disparition de notre culture. [...] La personne humaine ne pourra être protégée que dans une nation raciste2. » En avril 1944, Du Perron de Maurin démissionna du commissariat aux questions juives, pour lancer la Milice en Bretagne et en devenir le chef régional à Rennes, avec dans son collimateur les mouvements de résistance, les Juifs ayant disparu. Le bureau de recrutement était situé au 11 rue Le Bastard et, à lire une liste retrouvée à la Libération, 120 personnes en ressortirent membres pour le département, dont une cinquantaine habitant Rennes. Les bras armés de la Milice furent alors Swlaller puis Di Costanzo, chef d’une franc-garde de 200 hommes. [2] Réfugié en Allemagne à Marbourg, il n’avait, à l’automne 1944, rien perdu de ses convictions, mais en voulait aux Allemands de le faire, avec sa famille, coucher sur la paille alors que des chambres libres dans les hôtels étaient réservées aux soldats allemands.

Jugé en France par la cour de justice de Rennes, le 10 janvier 1946, défendu par Me Jean Poret, la personnalité du délégué régional du commissariat aux questions juives et les preuves accablantes recueillies dans les archives de la délégation allaient permettre un procès exemplaire eL M. Jacques Douegnas, secrétaire de la Fédération des Sociétés Juives de France, fit une déposition dans laquelle il déclara avoir reçu « de nombreuses plaintes de familles juives qui avaient été spoliées à l’occasion des persécutions qui eurent lieu à Rennes et en Bretagne à la diligence du commissariat aux questions juives.

L’acte d’accusation de 1946 lui imputait la responsabilité de 36 arrestations, ramenées à 34 mais on ignorait alors son implication dans la déportation de deux autres familles, soit 4 adultes et 4 enfants et adolescents. En rendant leur arrêt au vu des témoignages dont ils disposaient, les magistrats de la cour de Justice de Rennes ignoraient qu’ils n’avaient jugé qu’un peu plus de la moitié des « affaires » traitées, en dix-huit mois, par la délégation régionale du CGQJ. Devant les juges, la défense de Du Perron de Maurin consista à se présenter comme un fonctionnaire consciencieux qui n’avait fait qu’établir des rapports , activités inhérentes à la fonction qu’il devait assumer.

Il fut condamné à mort et fusillé le 5 novembre 1946 à Rennes au stand de tir de Coëtlogon. Ouest-France, en rendant compte de l’exécution, passa sous silence son rôle à la tête de la Milice, à partir d’avril 1944, ne retenant que sa participation au génocide : il « fit arrêter par les Allemands et déporter vers les bagnes nazis et leurs chambres à gaz de nombreux Israélites dont beaucoup ne sont pas revenus ». [3]

Références

  1. Les Juifs de Rennes sous l'occupation
  2. La Milice à Rennes
  3. Les Juifs en Bretagne. Claude Toczé, Annie Lambert. Presses universitaires de Rennes – 2006