Portrait d'habitant : Maurice, une force de la nature

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Portraits croisés

Une fois arrivée à Saint-Briac, je suis accueillie par Françoise, une femme avec une énergie et un dynamisme à en revendre, qui me conduit alors à son père, Maurice… et là, je comprends vite d’où sa fille tient cette énergie. Françoise travaille dans le secteur de la communication et des relations publiques. Son père, Maurice, est un grand monsieur de par sa taille et de par son parcours de vie.

D’un père militaire, Maurice arrive tout droit d’Alger avec ses parents en 1937 rue Joseph-Durocher. Autant vous dire que le changement fut de taille pour cet enfant de 16 ans à peine. Dans un sourire, il me raconte : « Ce qui m’a étonné en arrivant ici – on sortait d’une ville comme Alger – et on arrivait ici et qu’est-ce qu’on a vu ? Vous voyez le petit bistrot… je ne sais pas comment on appelait ça… Uniquement que des bolées, qui étaient toutes alignées les bolées. Et ces gros foudres de cidre, qu’on amenait avec des chevaux (…). Et ces foudres, on les descendait avec deux morceaux de bois, on les descendait dans la cave pour qu’évidemment les cafetiers puissent le vendre. Nous on prenait que du cidre à cette époque-là, c’était rigolo tout plein ! ». Premier souvenir marquant le début de son aventure rennaise !

Il entame sa scolarité au lycée avenue Jean Janvier lorsque la guerre éclate. Son père part alors au front où il sera fait prisonnier et Maurice sera engagé comme volontaire. Après être parti dans l’Est puis dans les Alpes, en 1942, il sera affecté à la Mairie de Rennes. À la Libération, il rentrera à la Préfecture où il effectuera l’intégralité de sa carrière.

Sa fille se souvient justement de son bureau à la préfecture place Saint Melaine, dont la fenêtre donnait sur les jardins du Thabor et ses marronniers, qui n’existent plus : « (…) tu détestais parce que ton bureau était tout sombre à cause d’eux et à chaque printemps, tu étais en train de rouspéter après les marronniers du Thabor ! ».


Un homme engagé

En parallèle de son activité professionnelle, Maurice se lance, dès le lycée, dans la pratique de l’aviron, domaine dans lequel il effectuera un parcours exemplaire. En plus de ses exploits sportifs, il s’investira à 200% dans la Société des Régates Rennaises, sera Président de la Ligue de Bretagne des Sociétés d’Aviron, Vice-président de la Fédération Nationale des Offices Municipaux des Sports, et sans compter le syndicalisme où il est toujours un membre très actif. Aujourd’hui, il est Président d’honneur de la SRR-A (Société des Régates Rennaises – Aviron). Autant dire que Maurice ne s’arrête jamais, et le tout, précisons-le, fut un investissement totalement bénévole.

Maurice va vivre une grande partie de sa vie dans le quartier du Thabor, et plus particulièrement du côté du Parc Oberthür, dont il ne s’éloignera jamais, malgré ses nombreux déménagements, il parle même de « cercle » en plaisantant. Après la rue Joseph-Durocher, à son mariage, quand il commencera « à avoir des loupiots » il ira vivre rue Louis-Barthou, puis rue de la Bourbonnais, rue René-Marcille ensuite et enfin rue Jean-Malo-Renault où il possède toujours son appartement. Il fit un rapide passage rue Gutenberg durant la guerre en vue de s’éloigner des bombardements.


Les imprimeries Oberthür

Maurice se remémore les Imprimeries Oberthür, grande entreprise ayant une emprise importante sur la vie du quartier. Son père y travailla durant 3 – 4 ans en tant que chef du personnel lors de son retour de la guerre mais elles furent surtout un mécène pour Maurice et les Régates Rennaises que les Imprimeries accompagneront pour la construction de nouveaux locaux et l’achat de matériel.

Françoise, quant à elle, y effectua un stage portant sur les méthodes d’impression et de marketing. Elle me confie alors une anecdote : « Un jour – mon grand-père y travaillait – j’avais dû sourire ou me moquer un peu d’une ouvrière et elle m’avait dit : Ne te moque jamais des ouvrières ma petite fille, ça pourrait être ta grand-mère ! Ça m’est resté comme quoi il fallait respecter les gens qui travaillent. ». Ils se rappellent avec un brin de nostalgie le son de la sirène qui marquait la fin ou la reprise du travail et qui rythmait la vie du quartier…


Une zone désertique

Tandis que son père allait vaquer à ses occupations sportives et syndicales, Françoise allait « en ville » avec sa mère ou ses amis pour faire les courses ou les magasins. Elle prenait le bus qui partait de l’Église Jeanne d’Arc jusqu’à la Place de la Mairie où il y avait encore des voitures. Mais dans ce secteur proche du Parc Oberthür, nous pouvions déjà reprocher une pénurie de commerces : « Juste un petit commerce qui vendait des bricoles ». Il faut dire qu’à l’époque : « Vous mettiez votre argent sur la fenêtre, votre boîte, et il y avait tous les jours un cultivateur qui passait, qui vous mettait du lait, qui vous mettait du beurre, qui vous mettait du fromage et qui prenait l’argent », raconte Maurice en se remémorant sa jeunesse.

Françoise, de son côté, se souvient plutôt des commerces du boulevard Laënnec, plus nombreux, là où vivait sa grand-mère : « (…) notre grand-mère nous donnait toujours un peu de sous pour aller chercher le pain, mais il fallait toujours dire que le pain était pour elle. Le boulanger était censé lui donner le meilleur pain et l’épicière nous donner les meilleures pommes de terre », dit-elle en riant.


Un havre de paix

Vivant sa vie à cent à l’heure, Maurice apprécie d’autant plus la tranquillité qui règne dans ce quartier, proche de la Vilaine pour ses entrainements d’aviron, proche de son travail où il pouvait aller à pieds : « Mon père, quand il allait au travail, il y allait à pieds du Parc Oberthür. Avec ses grandes jambes, ça allait vite. Parfois, à la sortie du lycée, on se croisait et mon père, tellement grand, ne nous voyait même pas sur le trottoir », se souvient Françoise.

De plus, le Vélodrome proche lui permettait d’assister à de nombreuses manifestations : courses de vélo, la Fête de la Jeunesse…

Aujourd’hui encore, Maurice et sa fille vivent dans le quartier mais ils ne sont pas d’accord ! « Je n’ai pas voulu du tout rester dans ce quartier, mais voilà moi ce que j’aime c’est le centre ville, le centre pur. Donc je suis juste à la frontière (…). », confie Françoise. Justement, elle trouve que le coin est bien trop tranquille, il s’agit d’un quartier administratif avant tout : « [[Moi je me plains : il est trop sinistre ! J’habite à un endroit où il n’y a pas un seul commerce, un seul autobus et encore il ne passe pas devant chez moi, les métros ne sont pas trop près (…). Quand je suis dans ma rue, je trouve ça sinistre. (…) C’est vraiment une zone où il y a très peu d’habitants, donc peu de commerces.]] ». À l’inverse, son père apprécie cette tranquillité, le fait que le quartier ne change pas trop malgré la construction de nouveaux bâtiments, on s’y sent en sécurité, paisible.

Je finirais donc ce portrait avec les paroles de Maurice : « Vous avez toute une partie encore qui est restée vieillotte (…). Mais l’état d’esprit si vous voulez, il est resté le même, même les gens qui viennent. Je le vois bien, ceux qui habitaient notre immeuble, petit à petit, ils se sont formés à ce climat de tranquillité, (…) c’est quand même un peu spécial. Moi je ne regrette pas du tout d’avoir vécu une grande partie de ma vie dans ce quartier qui est formidable ! ».


Référence

Portrait réalisé par Georgia Walter, écrivaine public dans le cadre de la Caravane de quartier Thabor – Saint-Hélier – Alphonse-Guérin en Mars 2013.