Piscine Saint-Georges
La piscine Saint-Georges fut construite entre 1923 et 1926, sur les plans de l'architecte Emmanuel Le Ray dans un style art-déco, avec des mosaïques d'Isidore Odorico. Voulue par le maire Jean Janvier suite à l'incendie de la caserne d'infanterie de Saint-Georges en 1921[1], elle fut inaugurée le 4 juillet 1926.
« Dans sa séance du 27 octobre 1922, le conseil municipal décidait la construction de la piscine de natation et des bains douches sur les terrains disponibles de Saint-Georges. Placés plus au centre de la ville, ces établissements seront ainsi assurés d’une clientèle plus nombreuse et plus assidue. Enfin dans sa séance du 29 décembre 1922, le conseil municipal approuvait les plans et les devis de cet établissement de piscine et bains douches et votait la dépense. »
— Jean-Yves Andrieux et Catherine Laurent
Origine : "Quelques souvenirs : Jean Janvier, Maire de Rennes", 2000 • Recueilli par Manu35 • 2020 • licence
Synthèse Historique
Le premier projet de construction d’une grande piscine de natation est évoqué à Rennes par M. Janvier dès 1913. Cependant, il faut attendre 1921 et l’adoption du principe par le conseil municipal en date du 5 octobre pour que l’objectif de faire de Rennes une ville moderne dotée d’équipements hygiénistes soit clairement défini. Le maire Jean Janvier confie le projet de construction d'une piscine à l'architecte Emmanuel Le Ray.
Le premier projet est établi sur un terrain à l’est de Rennes, rue Alphonse Guérin, dans la partie ouest de l'ancien vélodrome. La proximité de la Vilaine permettrait la captation de ses eaux en été. Il ne sera pas réalisé du fait des difficultés rencontrées pour la réalisation des fondations, en raison de la présence d'une nappe d'eau souterraine trop importante. Ce premier projet est abandonné au profit d’un second, suite au choix d'un nouveau terrain situé en centre-ville, qui regroupait la caserne Saint-Georges et qui fut cédé par le ministre de la Guerre après un incendie en août 1921. Le maire Jean Janvier va donc modifier son projet afin d'installer la nouvelle piscine au nord de la caserne, sur l'emplacement de l'ancienne église du couvent Saint-Georges.
Le 24 décembre 1922, Emmanuel Le Ray présente alors de nouveaux plans pour un projet d'ensemble comprenant la restauration et l'aménagement du site Saint-Georges. Ainsi, le projet prend de l'ampleur avec l'ajout des bains-douches dans le pavillon arrière de la piscine, l'aménagement de bâtiments pour les pompiers sur le bord de la parcelle au nord, et le réaménagement des bâtiments de la caserne pour y installer les services municipaux. La piscine est construite en bordure de parcelle, au croisement de la rue Gambetta et de la rue Victor Hugo. Le projet initial évolue : la disposition des bâtiments et surtout les élévations sont totalement révisées. Les plans conservés aux archives municipales montrent un corps central flanqué de deux petits corps de bâtiment aux extrémités longitudinales de l'édifice. Côté rue Gambetta, on trouve le vestibule d'entrée, et à l'arrière les bains-douches avec leur entrée indépendante. Le corps central abrite le bassin et les cabines réparties de part et d'autre du rez-de-chaussée. Au premier niveau, des coursives aménagées de tribunes permettent de donner une visibilité vers le bassin.
Le projet définitif date du 10 juillet 1923. Il reprend les dispositions du second projet en affinant certains détails (comme le passage du vestibule à la piscine) et en modifiant certains points de distribution, en particulier dans la partie est de l'édifice (jonction des deux établissements, disposition des salles de douches et des bâtiments de service, création d'un séchoir à usage des pompiers au sud). Les travaux démarrent en 1923 et s’achèvent en juin 1926. L'édifice est inauguré le 4 juillet 1926. Quelques travaux modificatifs sont apportés aux aménagements intérieurs d'origine de la piscine Saint-Georges. Ces interventions concernent notamment : la mise en œuvre d'un plongeoir en mai 1937, la démolition des cabines de douches remplacées par deux salles de douches communes (sans date), l'enlèvement des gradins, la repeinture des poteaux des coursives nord et sud, et le remplacement du revêtement des escaliers. À l'extérieur, quelques modifications sont également effectuées : en façade ouest, l'inscription « 1925 » est remplacée par un motif plus petit, les verrières métalliques des façades des pignons est et ouest sont remplacées, et un portillon est ouvert dans la clôture au sud de la façade d'entrée.
Depuis 1926, au fil des années, les installations techniques sur le traitement de l'eau et le chauffage ont été modernisées.Dans les années 1980, des travaux sont entrepris pour assurer la rénovation de la piscine Saint-Georges : réfection entière des installations électriques, peintures intérieures, pose d'un plafond acoustique suspendu sous la grande voûte. Des travaux extérieurs sont également réalisés : ravalement des façades, peintures extérieures, réfection des couvertures. Les derniers travaux datent des années 1990, avec la réfection de la frise du bassin mise en œuvre par le mosaïste Odorico, et de 2010 avec l'aménagement d'une banque d'accueil.
En 2016, la piscine Saint-Georges a reçu son classement en totalité au titre des Monuments Historiques, en raison de son caractère remarquable et très représentatif de l'architecture monumentale et hygiéniste de la première moitié du XXᵉ siècle.
Situation et environnement
Le site de la Piscine Saint-Georges est localisé dans le quartier Centre, en limite est du centre-ancien. Situé au nord du Parc Saint-Georges, le site est adressé au n°4 rue Gambetta. L'entrée principale de la Piscine se fait depuis la rue Gambetta. La partie Bains-Douches dispose d'une entrée indépendante sur la rue Victor Hugo. Les accès techniques pour maintenance, livraison se fait par la cour depuis la rue Gambetta, située dans le prolongement de la rue Saint-Georges. La Piscine Saint-Georges est implantée sur la parcelle BP0599, représentant une emprise foncière de 2 180 m2.
La Piscine Saint-Georges est un bâtiment patrimonial emblématique de la capitale bretonne. Implantée en bordure de parcelle, au croisement des rues Gambetta et Victor Hugo. Cette dernière correspond à l'ancien tracé de la muraille de fortification de la ville mise en œuvre au XVe siècle et la porte Saint Georges ouvrait sur l'actuel rue Gambetta. Implanté à 250 mètres de la station Saint-Germain, la piscine Saint-Georges bénéficie d'un emplacement stratégique en cœur de ville à proximité immédiate du centre historique, des écoles, des collèges et lycées. La piscine Saint-Georges bénéficie donc d'un site facilement identifiable par les Rennais et facilement accessible (centralité, transports en communs métro et arrêts de bus,…).
Les Rennais sont contre
Une piscine à Rennes ? Les Rennais sont contre. Conditionnés par le journal l'Ouest-Éclair qui organise un référendum au résultat très net : 9597 contre et... 487 pour ! C'est un équipement somptuaire, utile certes, mais pas nécessaire. Et le journal d'interpeller : le maire va-t-il s'incliner comme le ferait un maire démocrate devant une telle unanimité [...] au contraire, continuant de jouer le jeu dangereux de la dictature va-t-il poursuivre l'exécution... ? Le maire s'obstinera.
La piscine est inaugurée le 4 juillet 1926, après trois ans de travaux. Elle est certes belle et utile, mais l'addition ne passe pas encore et le quotidien régional du 5 juillet ne manque pas de "tacler" le représentant du ministre qui rend hommage au maire et aux réalisateurs mais a oublié les contribuables.
Une belle réalisation
La piscine Saint-Georges, la première construite à Rennes, et une des vingt premières en France, comprend, au-delà d'un vestibule d'entrée, un bassin entouré d'une série de 30 cabines de part et d'autre et de tribunes supérieures. La partie postérieure du bâtiment abrite les bains-douches qui disposent d'une entrée indépendante, rue Victor Hugo. La façade joue sur la diversité et sur la polychromie des matériaux : au dessus d'un soubassement de granite appareillé en pierre de taille, le parement de briques jaunes de Hollande est animé par des bandeaux de brique rouge, des éléments de tuffeau, de ciment ou des frises de grès. Les baies cintrées sont soulignées par des arcs de briques rouges ou des décors de grès flammé. La recherche de pittoresque et d'animation est obtenue au niveau de la couverture réalisée en tuiles de Marseille avec la multiplication des formes et l'étagement des niveaux des toits. La façade est marquée par deux pylônes monumentaux encadrant la halle. À l'intérieur, une voûte de béton armé à pénétration, aujourd'hui masquée, couvre un bassin de 33,33 mètres de longueur[2]. L'ensemble des cabines, couloirs, douches est pavé de mosaïque de grès cérame dans des tonalités de bleus. Le célèbre céramiste Isidore Odorico a orné le pourtour du bassin d'une frise de vaguelettes et de volutes longue de 96 mètres, réalisée dans des nuances de bleus et de verts avivées par des tonalités jaunes et brunes, qui semblent accompagner le mouvement et les clapotis de l'eau.
Des horaires étaient réservés aux enfants des écoles et aux sociétés sportives, mais la surprise pour les Rennais actuels est d'apprendre que femmes et hommes y avaient des horaires séparés donnés par l'Ouest-Éclair du 15 juin 1926 !
Jusqu'alors uniquement "inscrite" à l'inventaire des Monuments historiques[3], la piscine est "classée" monument historique par arrêté du ministre de la Culture le 26 octobre 2016[4].
Les 1001 vies du bijou art déco[5]
En 2010, l’association Electroni[k] transforme la piscine le temps d’une projection, en une salle de cinéma étonnante dans le cadre du festival Maintenant (anciennement Cultures Electroni[k]). Invité du festival pour une soirée atypique, l’artiste québécois Herman Kolgen a proposé la performance multimédia subaquatique Inject. [6]
Le thème : les aventures sous-marines d'un jeune homme qui, à Montréal, a passé six jours immergé dans une immense citerne remplie d'eau. Pendant cette performance, Herman Kolgen, mixe en direct une bande-son électronique diffusée sur et sous l'eau. Un écran géant et des projecteurs avaient été installés au dessus du bassin pour permettre à 150 nageurs de voir le film dans d’étranges conditions. Une belle surprise pour les habituels usagers de la piscine.[7][8]
Dans le cadre des Tombées de la nuit 2017, une grande installation de Luke Jerram figurant la Lune a été posée au-dessus du bassin de la piscine.
En juillet 2017, le magazine Architectural Digest a ainsi classé cette piscine la 8e piscine sur 10 des piscines du monde aux allures les plus folles (the Craziest Pool Designs in the World)[9]
Anecdote
Il n'y a plus de service militaire en France et il y a plusieurs piscines à Rennes : l'anecdote est d'un tout autre temps.
En mai 1959, un jeune Rennais en service militaire au 21e bataillon de chasseurs à pied de Granville, suit une formation pour obtenir le certificat inter armes. Savoir nager étant une case à cocher, l'instructeur principal demande qui ne sait pas nager car un stage de natation est prévu à Caen. Toutes les mains sont levées, sauf deux dont celle de notre Rennais. La semaine suivante, changement de programme: le stage de natation d'une semaine n'aura pas lieu à Caen mais à Rennes. Aussitôt notre Rennais de lever la main et, au garde-à-vous, annonce d'un air penaud : "J'ai dit que je savais nager mais, en fait, dans l'eau je cafouille et n'avance pas." On rit du vantard débusqué et il est aussitôt inscrit au stage.
La raison de cette volte-face : le domicile de ses parents est rue de Corbin, et la piscine Saint-Georges - la seule piscine de Rennes - est un peu plus haut dans la montée de la rue Gambetta . Arrivé à Rennes, à la caserne Mac-Mahon où doivent séjourner les stagiaires, il apprend qu'aucun contrôle de présence n'est fait pour les sergents de passage. Aussi, en tenue bleue il monta chaque jour en début de matinée à la piscine et gagnait l'eau en slip de bain militaire kaki. Le moniteur constata avec satisfaction que les mouvements de natation du Rennais progressaient de jour en jour de façon très satisfaisante.
Ainsi le nageur bébéficia-t-il de 7 jours de vie civile bien tranquille, 7 jours heureusement gagnés sur les quelque 850 avant le retour d'Algérie à Rennes, une nuit de février 1961 et la quille. *
- "La quille" : objet symbolique de la fin du service militaire
Sur la carte
Références
- ↑ "Quelques souvenirs : Jean Janvier, Maire de Rennes", par Jean-Yves Andrieux et Catherine Laurent, Chapitre 12. "Les derniers projets" - https://books.openedition.org/pur/44271#bodyftn4
- ↑ https://www.ouest-france.fr/bretagne/rennes-35000/la-question-pas-si-bete-pourquoi-la-piscine-saint-georges-de-rennes-mesure-t-elle-33-metres-d9d154ea-0935-11ee-837a-4974c5f3364a
- ↑ http://metropole.rennes.fr/actualites/culture-sport-loisirs/patrimoine-memoire/la-piscine-saint-georges-monument-historique/
- ↑ https://www.20minutes.fr/rennes/1959539-20161110-rennes-piscine-saint-georges-enfin-classee-monument-historique
- ↑ https://www.tourisme-rennes.com/decouvrir-rennes/histoire/piscine-saint-georges-rennes/
- ↑ https://www.francetvinfo.fr/culture/musique/electro/herman-kolgen-signe-quot-injectquot-performance-sonore-et-aquatique-au-festival-electroni-k_3335639.html
- ↑ https://www.ladepeche.fr/article/2010/10/14/927443-rennes-fraiche-representation-piscine-artiste-herman-kongen.html
- ↑ https://alter1fo.com/electronik-jpeux-pas-ce-soir-jai-piscine-avec-inject-22732
- ↑ https://www.guide-piscine.fr/pro/construire-sa-piscine/choisir-sa-piscine/une-baignade-sous-la-lune-a-la-piscine-st-georges-de-rennes-1515_H
Liens
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