Portraits d'habitants : Pierre, Jean, Eliane, des voisins heureux et critiques

De WikiRennes
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Pierre et Jean, habitants de la rue Ernest Renan et Éliane, de la rue Carnot, forment un trio dynamique et surprenant.

Éliane, ancienne coiffeuse dont 26 ans avec son propre salon avenue Général Leclerc, a convié ses voisins à notre petit entretien. Pendant que nous dégustons la délicieuse mousse au chocolat et le thé préparés par notre hôtesse, ils me racontent…

Jean, ancien ébéniste puis ayant cumulé divers emplois pour terminer comme représentant en parfumerie, est un vrai boute-en-train, toujours le mot pour rire.

Et Pierre, à la base menuisier, ébéniste et sculpteur, exercera la plus grande partie de sa carrière en tant que métreur-vérificateur à son compte mais aussi auprès de l’architecte en chef de la Ville de Rennes ; également expert auprès de la Cour d’Appel de Rennes pour le bâtiment et pour l’ameublement à Nantes… Je m’arrêterai ici car la liste est longue. Il trouvera malgré tout le temps de faire du bénévolat dans plusieurs associations, notamment pour les œuvres sociales à Rennes pendant près de 47 ans. Autant dire qu’à Rennes, rien ne lui échappe !

Pierre et Éliane sont arrivés dans le quartier du fait du hasard. Quant à Jean, il y est né rue Ernest Renan et ne l’a jamais quittée : « Je suis bien là ! ». Nous pouvons donc dire que « le hasard fait bien les choses » car ces trois-là sont des mémoires vivantes du quartier !


Le « Triangle d’or »

Une précision à apporter cependant quant à leur perception bien délimitée du quartier : leur quartier, c’est entre la rue de Fougères et le boulevard de Sévigné ! « Ici, c’est le quartier des Mottais au départ, puis après on a dit « c’est le Triangle d’or ». Moi, j’en parle jamais parce que je ne supporte pas ça », s’écrie Éliane, qui ne veut pas être cloisonnée dans cette image « bourgeoise » car aujourd’hui, il y a des étudiants, des ouvriers et des commerçants qui vivent dans le quartier.

Petit à petit également, les commerces ont disparu : la boulangerie de la rue Ernest Renan, les deux épiceries, les coiffeurs et le tailleur du boulevard de Sévigné, la boucherie de la rue Henri Sée, la pharmacie ainsi que la droguerie boulevard de Metz, les deux imprimeries et la mercerie de la rue Carnot… pour être remplacés par de petits supermarchés impersonnels. Tous ces lieux se sont éteints pour diverses raisons, notamment du fait de la désertification du quartier durant l’été qui rend la survie et la pérennisation des commerces quasi-impossibles. Ils concèdent cependant qu’ils arrivent parfois à rencontrer leurs voisins dans ces petits supermarchés et à créer du lien.

Par chance cette partie du quartier ne subira pas la guerre ou les inondations comme plus au Sud. Mais l’eau avait tout de même son importance pour les habitants. Jean nous raconte, dans un sourire, que plus jeune : « On avait fait un bateau avec les copains, on le mettait à l’eau au bord de Duchesse Anne, et on allait jusqu’aux Landes d’Apigné, on ramait. Les copains ils descendaient le bateau de chez moi, avec les roulettes, et le soir je devais le remonter tout seul. Ça a pas duré longtemps le bateau, je l’ai vendu ! ».


Une évolution architecturale qui laisse perplexe…

Au fil de la rencontre, je sens percer une pointe de mécontentement et c’est alors que les langues se délient. Mais au-delà de ce sentiment, il s’agit avant tout d’une peur : celle de voir le quartier changer au point de ne plus le reconnaitre et de le voir perdre son identité ! Éliane s’offusque : « Il ne va pas rester « le Triangle d’Or » parce qu’il va perdre de son âme ce quartier-là ! Parce que toutes les maisons qui ont été faites en pierres, en belles pierres, ça va être défiguré par des gens qui font du ciment, du bois, du cuivre… Il va perdre son cachet et c’est dommage parce que c’est un quartier qui fait partie du Thabor et du boulevard de Sévigné, c’est un quartier résidentiel et on va construire n’importe quoi ! ».

À cela s’ajoute un gros problème de stationnement selon eux, car à trop construire de logements, on en vient à oublier qu’aujourd’hui, tout le monde ou presque possède un véhicule. Que fait-on alors ? Les rues, à certaines heures de la journée se retrouvent surchargées de voitures qui se garent là où elles peuvent, ce qui rend parfois difficile la circulation même des piétons.

Tous trois émettent la même crainte, celle de voir le quartier changer brutalement et ils s’interrogent sur le devenir de leur propre maison. Pourtant ils le jurent, des solutions alternatives existent ! Des maisons qui regorgent de petits trésors tels les puits, dont quelques uns existent encore comme en témoigne Pierre qui utilise toujours le sien pour son jardin entre autres. Alors pour eux, quoi de plus normal que de vouloir protéger cet environnement qui leur est si cher !


Un climat où règne la convivialité

Cette loyauté envers leur quartier, ils la transposent sur leur voisinage car ce qu’ils aiment avant tout, ce sont les relations entre les habitants.

Pierre : « Même les nouveaux, quand La Poste passe pour des paquets, ils ont l’habitude. Quand les personnes sont absentes, nous, automatiquement, on prend le colis » et « Quelquefois, on garde les enfants ».

Éliane : « Moi, je garde le chat du voisin ».

Jean : « Moi, les enfants ont fait une cabane dans mon jardin ».

Chacun y met du sien pour me démontrer que ce quartier est unique, qu’il n’en existe pas deux comme ça, avec cette convivialité et cette entraide qui le caractérisent, les uns prenant soin des autres. Tant d’anecdotes qui donneraient envie à n’importe lequel d’entre nous de faire partie de cette grande famille !


Référence

Portrait réalisé par Georgia Walter, écrivaine public dans le cadre de la Caravane de quartier Thabor – Saint-Hélier – Alphonse-Guérin en Mars 2013.


Zoom sur

Des architectures contrastées

C'est au nord-est de la ville, à l'abri des inondations et à proximité du centre-ville, que les habitants les plus aisés viennent, au XIXe siècle construire de beaux hôtels particuliers. Le sud de la rivière, plus exposé aux aléas de la Vilaine, voit quant à lui s'installer des familles ouvrières, notamment cheminotes, dans des maisons à l'architecture beaucoup plus modeste.