Rue Emile Drouillas

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La rue Émile Drouillas se situe dans le quartier 8 : Sud-Gare entre la rue Henri Bannetel et la rue Jean Nobilet. Cette voie fut dénommée par délibération du conseil municipal de la Ville de Rennes le 29 juillet 1949[1].

Cette voie rend hommage à:

Émile Drouillas

Militant ouvrier mort en déportation.

(28 janvier 1900, La Jonchère-Saint-Maurice, Haute-Vienne - 17 septembre 1942, Auschwitz)


[2], en voici un extrait focalisé sur sa vie après son arrivée à Rennes:

Un communiste très actif

Le 1er février 1929, le Parti Communiste l'envoie à Rennes (Ille-et-Vilaine) pour y relancer l'activité communiste en Bretagne après la défection de deux dirigeants. Arrivé sous le pseudonyme de Marcel Laporte, il y retrouve René Lenoir, gérant cette fois-ci du mensuel de la CGTU pour l'Ille-et-Vilaine, "Le Travailleur Unitaire", dont le premier numéro vient de paraître et pour lequel "Laporte" écrira tout naturellement des articles. Laporte-Drouillas emménage au-dessus du local du Parti communiste, rue Poullain Duparc. Le 1er juin, "Marcel Laporte" est désigné comme secrétaire permanent de la Région bretonne.

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En 1931, il fait la connaissance de Marthe Écolan, femme de ménage à l'Hôtel Parisien, place de la Gare, qui vient d'être licenciée, en lui conseillant d'appeler sa patronne devant le Conseil des Prud'hommes. Ils emménagent bientôt chemin de la Poterie (par la route de Vern) – un quartier de lotissements – en hébergeant le père de Marthe.

Embauché par l'entreprise Pinson, il travaille comme maçon à la réfection de la Poste. Très apprécié de ses employeurs, il est chef d'équipe sur les chantiers. Émile ne mélange jamais le travail et l'action syndicale ou politique, et milite après sa journée de travail. Marthe, sa compagne, joue le rôle de secrétaire et de trésorière.

La création des comités pacifistes Amsterdam-Pleyel est l'occasion pour "Marcel Laporte" d'échanges avec les étudiants communistes de Rennes, dont Fernand Jacq[3] et Henri Le Moal[4].

En 1933, le gouvernement Herriot ayant fait voter une amnistie générale pour toutes les condamnations politiques, Émile Drouillas reprend officiellement son identité, à l'étonnement des policiers du secteur, mais il reste "Marcel Laporte" pour tous ses camarades rennais.

C'est alors qu'il est élu secrétaire permanent de la 17e Union régionale unitaire (syndicat), en remplacement de son ami René Lenoir qui part pour la capitale. Il quitte de nouveau les chantiers et travaille au siège de la CGTU dans le palais Saint-Georges. En 1934, il devient aussi conseiller Prud'homme.

Le 14 mai 1934, ayant retrouvé son état civil, Émile Drouillas peut épouser Marthe (alors déclarée comme blanchisseuse). Ils ont déjà une fille : Jeanne (« Nénette »), née fin 1933. Il en auront une autre, née début mars 1939, et prénommée Renée en hommage à un ami et camarade du PCF : René Bellier (voir ci-dessous).

En février 1936, lorsque la réunification syndicale de la CGT et de la CGTU qu'il a fermement soutenue est réalisée, Émile Drouillas décline l'offre de rester permanent syndical. Reprenant une nouvelle fois son métier de maçon, dans l'entreprise Pinchon, il est secrétaire adjoint du syndicat du Bâtiment de Rennes et secrétaire départemental du syndicat CGT du Bâtiment. Marthe le seconde d'autant plus dans son activité militante. À la même époque, Émile Drouillas est désigné comme président du Comité de Front populaire de Rennes. En juin 1936, lors du mouvement de grèves avec occupations d'usines, il va dans les ateliers expliquer leurs droits aux travailleurs, notamment aux ouvrières des établissement Strauss et Vimont.

Après l'échec de la grève du 30 novembre 1938, lancée pour défendre les acquis du Front populaire, Émile Drouillas est licencié de chez Trévério, comme les autres grévistes. Apprécié comme chef d'équipe, il est embauché quelques temps après par l'entreprise Dehé.

Secrétaire régional ouest du PC jusqu'en 1939, il est candidat du PC à toutes les élections (sans succès) : depuis celles du conseil d'arrondissement du 7 octobre 1934 dans le canton de Rennes sud-ouest jusqu'à celles du 10 octobre 1937 dans le canton de Rennes nord-ouest. Il est en contact militant avec Jean Rouault et le jeune René Perrault[5], habitant dans sa rue, cheminots qu'il peut croiser sur des chantiers.

Pendant la guerre d'Espagne, Émile Drouillas soutient les "Brigadistes" français dont son ami René Bellier, tué sur le front d"Aragon en mai 1938. Il organise le "Secours rouge" pour venir en aide aux réfugiés espagnols ; accueil et aussi soutien financier, recueilli lors de nombreuses fêtes.

En 1938 et 1939, son rayonnement est tel que de nombreux communistes parisiens viennent au domicile de ce militant, dont la maison est ouverte jour et nuit, chercher une aide matérielle et surtout morale. Réputé et apprécié depuis toujours pour son calme dans les discussions, Émile Drouillas en impose même à ses ennemis politiques qui le respectent.

Au début de l'été 1939, la famille emménage au 24, rue Richard-Lenoir, proche du centre-ville, où Marthe vient de prendre une petite épicerie de quartier. Le 27 septembre 1939, Émile Drouillas est réveillé à quatre heures du matin par des policiers venus lui faire signer le récépissé ordonnant la dissolution du PC et perquisitionner à la recherche des archives du parti.

En octobre, deux gendarmes viennent sur son chantier lui apporter son ordre de mobilisation. Ils doivent le conduire directement jusqu'au train, mais ses camarades de travail s'interposent, lui permettant de passer chez lui. C'est Jean Rouault qui l'accompagne à la Gare le soir même. Après quelques semaines à Guéret (Creuse), Émile Drouillas est envoyé à Arlanques (?) sur le front d'Italie, où il est blessé. Hospitalisé, il est envoyé en permission de convalescence dans le Limousin, chez ses parents.

Pendant la guerre, résistant et pourchassé

En juillet 1940, il passe clandestinement la ligne de démarcation et rejoint Rennes en qualité de "réfugié suite à un accident". Exceptés le bris des vitres de la maison et le pillage du magasin, sa famille n'a pas souffert du bombardement allemand du 17 juin 1940 sur les gare de triage de la plaine de Baud et de Saint-Hélier qui a causé l'explosion très meurtrière de deux convois de munitions (un millier de morts) la veille de l'arrivée de l'occupant.

Émile Drouillas retrouve son emploi de maçon chez Dehé, sur des chantiers de voies ferrées. Il reprend ainsi contact avec des cheminots du Parti communiste, dont René Perrault et Jean Rouault, et d'autres militants clandestins dont Henri Bannetel, jeune étudiant en médecine, agent de liaison entre Paris et Rennes. Drouillas est alors ostensiblement surveillé par la police française dont les inspecteurs visitent la boutique de son épouse.

À partir du 21 juin 1941, l'armée d'occupation lance une vague d'arrestations en zone Nord ; René Perrault, Jean Rouault et Henri Bannetel sont rapidement arrêtés. Le 30 juin à 20 heures, alors qu'il se prépare à entrer de nouveau en clandestinité, Émile Drouillas est arrêté par la police allemande en présence de son épouse et de ses enfants, puis interné à la prison Jacques-Cartier de Rennes. Le 10 juillet, il est transféré – avec plusieurs camarades rennais – au camp allemand de Royallieu à Compiègne dans l'Oise, administré et gardé par la Wehrmacht. Enregistré sous le matricule 1158, il est assigné successivement aux bâtiment A5, A4 (9 mars 1942), C1, dans l'enceinte du camp juif où il se trouve le 23 (?) mars (le premier convoi d’otages juifs part le 27 mars…).

Prétextant que les détenus partagent leurs colis, la mère d'Henri Bannetel (fils unique) vient chez Marthe Drouillas afin de l'aider à remplir les colis destinés à Émile. Le 8 décembre, Henri Bannetel, alors âgé de 23 ans, est mis à l'isolement, transféré trois jours plus tard au Fort de Romainville, puis à la prison allemande du Cherche-Midi, à Paris. Il est parmi les fusillés du 15 décembre 1941 au Mont-Valérien, sur la commune de Suresnes (Seine / Hauts-de-Seine).

À Rennes, à partir de début 1942, Marthe est de nouveau en butte à une éprouvante surveillance policière. Le 25 juin 1942, deux inspecteurs fouillent sa maison et la boutique sans rien trouver. Pendant cinq heures, ils restent dans l'épicerie à attendre un ami de son mari, « un petit roux à moustaches ». Heureusement, Jean-Marie Bras, ouvrier aux Tanneries de France, qui devait apporter des tracts, a décidé de reporter sa venue au lendemain en constatant qu'il était filé. C'est sa dernière visite : arrêté le 4 juillet, il est jugé puis fusillé le 30 décembre au stand de tir de la Maltière à Saint-Jacques-de-la-Lande avec 24 autres résistants. Pour Marthe, la pression est trop forte : elle décide de vendre son épicerie, à perte, pour s'éloigner avec ses filles. Le 22 juillet, grâce à une amie qui met une pièce d'habitation à sa disposition, elle déménage pour le hameau de Montenac-en-Langon, 20 km à l'est de Redon, et travaillera dans les fermes du voisinage.

Entre fin avril et fin juin 1942, Émile Drouillas est sélectionné, avec René Perrault et Jean Rouault, parmi plus d'un millier d'otages désignés comme communistes et une cinquantaine d'otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l'armée allemande (en application d'un ordre de Hitler). Le 6 juillet 1942 à l'aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Le voyage dure deux jours et demi. N'étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Émile Drouillas est enregistré au camp souche d'Auschwitz (Auschwitz-I), peut-être sous le numéro 45485, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée). Après l'enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l'appel général et un bref interrogatoire – au cours duquel Émile Drouillas se déclare sans religion (Glaubenslos) -, ils sont envoyés aux travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l'ensemble des "45000" à Birkenau – Émile Drouillas est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l'appel du soir.

Alors qu'atteint du typhus il a été admis au Revier d'Auschwitz, son ami Jean Rouault, qui est affecté aux cuisines, lui apporte un peu de nourriture. Mais Émile Drouillas trouve toujours un malade qu'il estime plus mal en point que lui avec lequel partager.

Il meurt à Auschwitz le 17 septembre 1942, d'après les registres du camp.

Les dernières lettres de Marthe Drouillas, datées du 30 juin et du 6 juillet, dans lesquelles elle annonçait son déménagement et le décès du fils de Jean Rouault, Raymond, lui ont été retournées. Depuis, elle et ses filles sont sans nouvelles.

Après son propre retour de déportation, le 6 juin 1945, Jean Rouault se rend chez Marthe Drouillas, accompagné d'un secrétaire local du PCF, pour lui annoncer le décès de son mari. Jean Rouault sera le "correspondant" de Jeanne Drouillas quand celle-ci entrera comme pensionnaire en classe de sixième au lycée de Rennes, avant que sa mère et sa sœur la rejoignent.

Homologué comme lieutenant dans la Résistance intérieure française (RIF) et décoré de la Croix de guerre, Émile Drouillas est titulaire de la Médaille de la Résistance à titre posthume.

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Note et références