« À Rennes, Du Perron de Maurin, chasseur de Juifs puis milicien » : différence entre les versions

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À l’été 1941, âgé de 39 ans, il s’engagea dans la Légion des volontaires français (LVF) contre le Bolchevisme et, au camp d’entraînement de Deba, dans le Wehrkreis VIII, en Pologne occupée, il fit la connaissance d'Émile Scwaller qu'il retrouvera à Rennes en 1944 et fut réformé à la suite de blessures. Après avoir lutté contre les communistes, Du Perron de Maurin allait, selon ses convictions, s’engager contre ceux qu’il considérait comme des ennemis : les Juifs.
À l’été 1941, âgé de 39 ans, il s’engagea dans la Légion des volontaires français (LVF) contre le Bolchevisme et, au camp d’entraînement de Deba, dans le Wehrkreis VIII, en Pologne occupée, il fit la connaissance d'Émile Scwaller qu'il retrouvera à Rennes en 1944 et fut réformé à la suite de blessures. Après avoir lutté contre les communistes, Du Perron de Maurin allait, selon ses convictions, s’engager contre ceux qu’il considérait comme des ennemis : les Juifs.
===Un chasseur de Juifs===
===Un chasseur de Juifs===
Le 3 décembre 1942, Jean Quénette, préfet régional de Bretagne, informe les préfets des quatre départements de sa circonscription qu’il a eu la visite d’un M. Ratton, chef des délégués régionaux à la Police des Questions Juives, dépendant du CGQJ, le commissariat général aux questions juives de Louis Darquier de Pellepoix. Il était accompagné de M. Du Perron de Maurin, 41 ans, qui fut présenté comme le délégué régional des sections d’enquête et de contrôle du commissariat Général des Questions Juives pour la Bretagne (SECC).  
Le 3 décembre 1942, Jean Quénette, préfet régional de Bretagne, informe les préfets des quatre départements de sa circonscription qu’il a eu la visite d’un M. Ratton, chef des délégués régionaux à la Police des Questions Juives, dépendant du CGQJ, le commissariat général aux questions juives de Louis Darquier de Pellepoix. Il était accompagné de M. Du Perron de Maurin, 41 ans, qui fut présenté comme le délégué régional des sections d’enquête et de contrôle du commissariat général des questions juives pour la Bretagne (SECC).  
La Bretagne était pourtant une région où les habitants d’origine juive étaient peu nombreux : aux descendants des réfugiés alsaciens venus après la guerre de 1870, aux exilés d'Europe Centrale des années 1930, naturalisés ou pas, à des Juifs  arrivés en France vers 1936 : petits négociants, ouvriers façonniers, confectionneurs, artisans, ils venaient d’Europe centrale après avoir, parfois, séjourné plus ou moins longtemps dans la région parisienne, s'étaient ajoutés des réfugiés du nord de la France au moment de l'exode de 1940 mais les services de Darquier de Pellepoix, l’actif commissaire général, devaient être implantés partout. En Ille-et-Vilaine on n'avait recensé que 372 juifs en octobre 1940, dont 172 étrangers. Même si deux grandes rafles avaient déjà eu lieu, en juillet et octobre, et avaient été assez fructueuses, avec 46 Juifs arrêtés en Ille-etVilaine, <ref>[[ Les Juifs de Rennes sous l'occupation]]</ref> un délégué régional du CGQJ était mis en place.
La Bretagne était pourtant une région où les habitants d’origine juive étaient peu nombreux : aux descendants des réfugiés alsaciens venus après la guerre de 1870, aux exilés d'Europe Centrale des années 1930, naturalisés ou pas, à des Juifs  arrivés en France vers 1936 : petits négociants, ouvriers façonniers, confectionneurs, artisans, ils venaient d’Europe centrale après avoir, parfois, séjourné plus ou moins longtemps dans la région parisienne, s'étaient ajoutés des réfugiés du nord de la France au moment de l'exode de 1940 mais les services de Darquier de Pellepoix, l’actif commissaire général, devaient être implantés partout. En Ille-et-Vilaine on n'avait recensé que 372 juifs en octobre 1940, dont 172 étrangers. Même si deux grandes rafles avaient déjà eu lieu, en juillet et octobre, et avaient été assez fructueuses, avec 46 Juifs arrêtés en Ille-et-Vilaine, <ref>[[ Les Juifs de Rennes sous l'occupation]]</ref> un délégué régional du CGQJ était mis en place.
L’antenne régionale du commissariat général aux questions juives fut installée au 7 [[ rue de Nemours]], à Rennes, dans l’appartement anciennement cabinet dentaire de M. Jean Schklarewski, juif déporté six mois auparavant.
L’antenne régionale du commissariat général aux questions juives fut installée au 7 [[ rue de Nemours]], à Rennes, dans l’appartement anciennement cabinet dentaire de M. Jean Schklarewski, juif déporté six mois auparavant.
Très vite, la personnalité et les agissements du délégué régional moins de deux mois après son entrée en fonction, suscitèrent critiques et protestations et le préfet d’Ille-et-Vilaine diligenta une enquête de police dont il rendit compte, le 6 février 1943, au commissaire général aux questions juives.
Très vite, la personnalité et les agissements du délégué régional, moins de deux mois après son entrée en fonction, suscitèrent critiques et protestations et le préfet d’Ille-et-Vilaine diligenta une enquête de police dont il rendit compte, le 6 février 1943, au commissaire général aux questions juives.
Son action, avait, d’ores et déjà, été la cause de réels désordres, dans la ville de Dinard qu’il connaissait si bien, au point que le maire de Dinard et le sous-préfet de Saint-Malo, soucieux de garantir l’ordre public, avaient fait exercer autour de lui une surveillance constante car il enquêtait, perquisitionnait et faisait procéder par la police allemande à des arrestations de personnes qu’il considérait, à tort ou à raison, comme non aryennes. Le préfet souligne que les autorités allemande ont dû intervenir, en particulier, pour obliger Du Perron de Maurin à restituer à leurs légitimes propriétaires des fourrures qu’il avait indûment saisies chez un fourreur qu’il considérait comme étant juif.
Son action, avait, d’ores et déjà, été la cause de réels désordres, dans la ville de Dinard qu’il connaissait si bien, au point que le maire de Dinard et le sous-préfet de Saint-Malo, soucieux de garantir l’ordre public, avaient fait exercer autour de lui une surveillance constante car il enquêtait, perquisitionnait et faisait procéder par la police allemande à des arrestations de personnes qu’il considérait, à tort ou à raison, comme non aryennes. Le préfet souligne que les autorités allemande ont dû intervenir, en particulier, pour obliger Du Perron de Maurin à restituer à leurs légitimes propriétaires des fourrures qu’il avait indûment saisies chez un fourreur qu’il considérait comme étant juif.
Aussi, considérant la présence à Dinard de Du Perron De Maurin absolument indésirable, demanda-t-il instamment, mais en vain, qu’il fut relevé dès que possible de ses fonctions.  
Aussi, considérant la présence à Dinard de Du Perron De Maurin absolument indésirable, demanda-t-il instamment, mais en vain, qu’il fut relevé dès que possible de ses fonctions.  
En fait, cette administration parallèle du commissariat aux questions juives ternissait l’image du service public.  
En fait, cette administration parallèle du commissariat aux questions juives ternissait l’image du service public.  
Contrôlé par un agent de la section IV du SD, un sergent, le sergent Josef Ernser,  Du Perron de Maurin s’avéra un déterminé chasseur des Juifs qu’il considérait comme un gibier "de race étrangère" à traquer, à débusquer et dont il y avait lieu de se débarrasser en le livrant aux Nazis du SD. Un rapport de la 13e brigade régionale de la police judiciaire de Rennes, du 30 mars 1945, indique qu'il dépassait même les limites du droit, dans la recherche et l’arrestation des personnes prétendues juives. Il regardait parfois la verge de certains hommes non porteurs de l'étoile jaune qu’il soupçonnait d’être juifs pour voir s'ils étaient circoncis. Après la réception de deux lettres de menace au nom de "l’Organisation Secrète de la Résistance en France" et une tentative d’attentat par envoi d’un colis piégé à son bureau, [[rue de Nemours]], il demanda une  protection, le 6 octobre, 1942 au Kommandeur de la police de sûreté du SD et un agent de police qui fut détaché à la garde de ses bureaux.
Contrôlé par un agent de la section IV du SD, un sergent, le sergent Josef Ernser,  Du Perron de Maurin s’avéra un déterminé chasseur des Juifs qu’il considérait comme un gibier "de race étrangère" à traquer, à débusquer et dont il y avait lieu de se débarrasser en le livrant aux Nazis du SD. Un rapport de la 13e brigade régionale de la police judiciaire de Rennes, du 30 mars 1945, indique qu'il dépassait même les limites du droit, dans la recherche et l’arrestation des personnes prétendues juives. Il regardait parfois la verge de certains hommes non porteurs de l'étoile jaune qu’il soupçonnait d’être juifs pour voir s'ils étaient circoncis. Après la réception de deux lettres de menace au nom de "l’Organisation Secrète de la Résistance en France" et une tentative d’attentat par envoi d’un colis piégé à son bureau, [[rue de Nemours]], il demanda une  protection, le 6 octobre 1942 au Kommandeur de la police de sûreté du SD et un agent de police qui fut détaché à la garde de ses bureaux.
Le 27 février 1943, faisant le bilan des activités de son service au cours des deux premiers mois de l’année  le délégué régional se vante de l'arrestation, le 19 février à Saint-Malo, du  couple Ash : Alphonse , Français,53 ans, et Marthe, son épouse, 51 ans, mis au convoi n° 53, le 25 mars, à destination de Sobibor. Il est aussi responsable du départ de la famille Bloch, de Rennes par le convoi n° 57, 18 juillet 1943 . <ref> ''Les Juifs en Bretagne''.  Claude Toczé,  Annie Lambert. Presses universitaires de Rennes </ref>
Le 27 février 1943, faisant le bilan des activités de son service au cours des deux premiers mois de l’année  le délégué régional se vante de l'arrestation, le 19 février à Saint-Malo, du  couple Ash : Alphonse , Français,53 ans, et Marthe, son épouse, 51 ans, mis au convoi n° 53, le 25 mars, à destination de Sobibor. Il est aussi responsable du départ de la famille Bloch, de Rennes par le convoi n° 57, 18 juillet 1943 . <ref> ''Les Juifs en Bretagne''.  Claude Toczé,  Annie Lambert. Presses universitaires de Rennes </ref>


Du Perron de Maurin est aussi à la tête d'un mini parti, le mouvement social révolutionnaire, qui a son bureau 8, [[quai Emile Zola]] mais ne compte qu'une cinquantaine d'adhérents, dont la moitié sont de Dinard, ville natale du chef. <ref> ''La collaboration en Ille-et-Vilaine''. Kristian Hamon.les Rennais (Hors série) - 2014</ref>   
Du Perron de Maurin est aussi à la tête d'un mini parti, le mouvement social révolutionnaire, qui a son bureau 8, [[quai Emile Zola]] mais ne compte qu'une cinquantaine d'adhérents, dont la moitié sont de Dinard, ville natale du chef. <ref> ''La collaboration en Ille-et-Vilaine''. Kristian Hamon.les Rennais (Hors série) - 2014</ref>   


Document de historien de formation, (auteur de Agents du Reich en Bretagne, aux éditions Skol Vreizh), paru dans le le magazine de l'information municipale l''es Rennais'' (Hors série Une mémoire à partager 1914-1944-2014)
Document de historien de formation, (auteur de Agents du Reich en Bretagne, aux éditions Skol Vreizh), paru dans le le magazine de l'information municipale ''les Rennais'' (Hors série Une mémoire à partager 1914-1944-2014)
[[Fichier:Bient%C3%B4t_la_milice.png|300px|rightt|thumb|Le préfet régional Martin annonce l'arrivée prochaine de la Milice en Bretagne (''Ouest-Eclair'' 15 avril 1944)]]
[[Fichier:Bient%C3%B4t_la_milice.png|300px|rightt|thumb|Le préfet régional Martin annonce l'arrivée prochaine de la Milice en Bretagne (''Ouest-Eclair'' 15 avril 1944)]]


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