« Quand nourrir rimait avec mourir » : différence entre les versions

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"... les enfants étaient tous attaqués d'un vilain mal ; que leur corps etait couvert de boutons, que leur nombril [et] leur nez rendait de la pouriture.". au moins trois fois.
"... les enfants étaient tous attaqués d'un vilain mal ; que leur corps etait couvert de boutons, que leur nombril [et] leur nez rendait de la pouriture.". au moins trois fois.
"... parce qu'ils etaient gaté et le corps couvert de villainie.".
"... parce qu'ils etaient gaté et le corps couvert de villainie.".
Mais, dernier degré de l'intention infanticide et du morbide, la nature n'étant probablement pas assez expéditive, des sages-femmes semblent avoir appris à leur donner les décisifs coups de pouce  - au propre et au figuré - qui ôtent les dernières chances de vie. Les toutes premières dépositions font état de sévices infligés avant même que la nourrice ait l'enfant en main !
"... s'il était vray que les sages femmes avaient la criminelle habitude de tordre la verge des enfants qu'elles avaient coutume de mettre à la nourice ; que cette dernière leur repondit qu'oui, et leur fit même voir il y a environ quinze à seize mois, la verge d'un enfant extraordinnairement noir...".
"... ajoute la deposante avoir entendu dire par l'enfant de la Dujardin que les sages femmes pressaient si fort les nombrils des enfans qu'ils en devenaient noirs".
Il faut entendre cependant une des inculpés, celle qui proteste le plus de son innocence en toute fin d'instruction : "... conteste et dit que la verge des enfants empreints de virus leur pourit ainsy que le scrotum ; que les parties naturelles des filles pourissent de même, mais qu'elle n'a jamais vu la verge des enfants comprimés.". "... Tout le monde sçait que ces fruits de la prostitution sont ou infectés de maladies veneriennes ou nés de meres que la honte de porter des enfants engage à user de breuvages propres à etouffer dans leur sein même le germe de leur faiblesse ou de leur debauche. Elle rappelle ensuite que personne n'a été vu pressant les nombrils ou tordant les verges (les filles ayant d'ailleurs le même destin.),
Sa requête du 27 mai 1782 fait donc état de breuvages abortifs et fait ainsi transition avec les dépositions évoquants ni plus ni moins des empoisonnements, réalisés au moyen de liquides et réservés probablement aux enfants les plus encombrants pour leurs géniteurs.
"... ce qui a toujours fait penser à la deposante que cette domestique de laditte Duval avait empoisonné l'enfant.". (15 livres la bouteille de poison)
"... elle avait laissé un de ces enfans seul avec cette sage femme, qu'elle le retrouva à son retour expirant et qu'ayant demandé à laditte Duval ce qu'elle avait fait à cet enfant pendant son absence, cette dernière lui avait repondu que cela ne la regardait pas.".
==Tout ça pour ça ?==
Les dépositions et interrogatoires sont complétés par une investigation rétrospective sur les cinq années passées et à l'échelle de la ville :
"Je demande donc que vous ordonniez à toutes personnes qui se sont chargés, depuis les cinq ans derniers, de batards nouveaux nés, de me les représenter sous un mois, ou de me justifier de leur existence ou de leur décès." François Anne Louis Philippe de Tronjolly. Ordonnance du dix mars 1781 rendue par le siège royal de police.
Un examen des registres paroissiaux des dix paroisses de la ville, de 1776 à 1780, est ordonné le 24 mars 1782 suite à la remontrance de Nicolas Yves Borie, procureur du roi au présidial, soucieux de "verifier la mauvaise conduite ... de ces nourrices bizarres...". Aucun traitement de ce volume de données n'a été ordonné et nulle synthèse ne se trouve dans le dossier ! Quelle vérification a pu en être tirée ?
La conclusion judiciaire de cette affaire reste bien mince : sont requis l'humiliation et le fouet pour une des inculpés, comme cela se fait assez régulièrement sur la place des Lices, principalement pour des vols. L'agitation, toute relative, produite par cette enquête a pu déranger temporairement certaines des concernées ; rien ne laisse penser que cessent par la suite les agissements indignes puisqu'il n'est rien proposé pour en réduire les causes. On remarquera enfin qu'aucun des parents, aucune mère, n'est interrogé sur ce qu'il sait éventuellement de ce qu'il est advenu de son enfant : la procédure n'est pas adaptée à le recherche de témoins qui pourraient être nombreux à n'avoir rien de particulier à dire, ignorant tout du sort de leur progéniture.
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