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Claude Geslin, l'exemple du dévoiement à l'ennemi

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Trois jeunes si sages… , à gauche Yves-Maurice Denis, 19 ans, 15 ans de travaux forcés, Jean-Claude Duplessis, 19 ans, condamné à mort, Claude Geslin est au 1er plan, 3e à droite (Keystone Press Agency Ltd)
Avis d'exécution (Arch. de Rennes. H 29)

À la Libération, il apparut à certains que des exemples de jugement et de châtiment était absolument nécessaires, pour satisfaire et apaiser la colère populaire. Aussi le tribunal militaire permanent de la XIe région, le 22 septembre 1944[1], se saisit-il du cas Claude Geslin, 23 ans, et de ceux de Yves Maurice Denys et de Jean Duplessis de Grenédan, mineurs âgés de 19 ans.

L'assistance rennaise au procès de Geslin (Keystone Press Agency Ltd)

Des trois, Claude Geslin était le plus malfaisant. Cet étudiant rennais, né à Saint-Brice-en-Coglès, était entré comme rédacteur-photographe à L'Heure bretonne à l'été 1940, puis devint reporter-photographe à La Bretagne en février 1941. Il se marie en avril 1942, habite au 16 avenue Janvier et a un fils en janvier 1943. Ancien membre du PNB il en avait été exclu.
Il devint interprète dans des services économiques allemands puis au SD, travaillant avec l'adjudant Ferdinand Fischer dont les activités répressives étaient intenses[2]. Il est accusé d’intelligence avec l’ennemi et d’actes de torture et de barbarie sur des patriotes. La charge essentielle reposait sur des archives de la Gestapo que les autorités de la libération avaient retrouvées dans les caves de l’avenue Jules Ferry, siège local du SIPO-SD.

Agent immatriculé, en novembre 1943, sous le numéro SR 923, il avait effectivement travaillé pour les services de renseignements allemands, à la section VII du SD, en charge des questions universitaires et scolaires, dont la responsable était la Fräulein Dr Langer, collaboratrice directe de l’adjudant Grimm. Claude Geslin, parlant l’allemand, y faisait fonction d’interprète et accessoirement d’indicateur.[3], il devient interprète au SD. Il figure sur la liste d’agents de la Gestapo sous le N° SR 923.
Interrogé du 30 août au 4 septembre 1944 par la police de la surveillance du territoire, il admet qu'il accompagnait aussi la Gestapo dans sa quête de résistants et contribuait à leur arrestation et aux interrogatoires, tel celui d'André Pailheret, mais déclare n'avoir qu'assisté à des scènes de torture; il reconnaît pourtant avoir bâillonné des victimes et frappé Claude Martinet, étudiant, à coup de nerf de bœuf. Le témoignage posthume du jeune Le Beilé à son ami Bourge est entendu :
"Si je suis fusillé, souviens-toi du nom de Geslin."

C’est ainsi qu’André Heurtier[4], agent P1. du Réseau "Eleuthère" du 1er avril 43 au 31 août 43 puis chargé de mission 2e classe au Réseau "Bordeaux Loupiac" et fondateur du Mouvement "Libération Nord" en Bretagne, arrêté par la Gestapo le 21 décembre 1943, constata la présence active de Claude Geslin. Il sera envoyé en déportation le 3 août mais sera libéré à Belfort le 24[5] et témoignera [6]. Il sera président du comité départemental de la Libération. Le 25 mai 1944 on constate la présence de Geslin dans une équipe du SD de Rennes comportant trois membres du Bezen Perrot, envoyée à Nantes pour ramener un résistant arrêté, Yves Le Bihan, à Redon.

Plusieurs centaines de spectateurs assistent au procès. Défendu par Me Bertrand, Geslin fut condamné à la peine capitale, ainsi que Jean Duplessis de Grenédan; Yves Maurice Denys fut condamné à 15 ans de travaux forcés, verdicts donnés aux applaudissements de la salle.

Claude Geslin ne fut exécuté que plus de deux mois après sa condamnation, fusillé le vendredi 1er décembre 1944 à 7h45 au stand de tir de Coëtlogon à Rennes.

témoignage

Le plus terrible à Rennes, c'est Geslin

Octobre 1943, après une année de captivité, libéré pour tuberculose et parti au Maroc, trois ans de captivité, M. Roger Lafaye, dont la famille sera décimée[7], est revenu à Rennes et raconte une étrange anecdote :

Ce jour-là, je sortais donc de la gare et remontais l'avenue Janvier. Devant moi, accompagné d'un magnifique chien-loup, je crois reconnaître Geslin, un ancien élève du lycée. Je le rejoins; c'est bien lui. Nous marchons côte à côte, nous bavardons. Je lui parle de ma mère, de mon frère, tous les deux en déportation, d'un autre frère qui combat avec les Anglo-Américains, de ma santé ruinée. J'ajoute : "Et dire qu'il y a des salauds qui travaillent pour eux". Quelques jours plus tard, le secrétaire de la faculté des sciences, que je connais, m'informe : "Ici, il y a déjà eu plusieurs arrestations... Presque tous les étudiants sont sûrs, sauf deux ou trois".

Il me cite leurs noms et ajoute : "Mais, le plus terrible à Rennes, c'est un ancien élève du lycée, Geslin, le chef des Français travaillant pour la Gestapo". Je lui raconte alors ma rencontre de l'avenue Janvier et comment, dans l'ignorance de ses activités, j'ai pu lui dire ce qu'un patriote pouvait penser d'un tel être. [8]

références

  1. Ouest-France 23,24 septembre 1944
  2. La presse bretonne dans la tourmente, Henri Fréville, Plon p. 250- 1979
  3. https://kristianhamon.blogspot.com/2018/04/la-police-nazie-en-bretagne-occupee.html
  4. Des résistants à Rennes
  5. http://memoiredeguerre.free.fr/index.htm
  6. De Rennes à Belfort, le tragique voyage d'un train de prisonniers civils déportés Ouest-France 26 septembre 1944
  7. Rue Marie et Pascal Lafaye
  8. La Libération de Rennes. Témoignages recueillis par des élèves du collège de Chartres-de-Bretagne. Buroscope p. 47 - juillet 1989