Parlement de Bretagne

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Parlement de Bretagne-2006.jpg
Vue du sud-est, la place du parlement de Bretagne.(photo Édouard Hue, de Wikimedia Commons)
Le Palais du Parlement de Bretagne: en majesté dans sa capitale

Le parlement de Bretagne, officiellement palais du parlement de Bretagne, est un monument emblématique de Rennes et de la Bretagne. Situé place du Parlement de Bretagne, il abrite la cour d'appel. Il fut le siège du parlement de Bretagne Wikipedia-logo-v2.svg jusqu'en 1790.

Une nécessité qu'il faut financer

Après avoir partagé ses sessions entre Nantes et Rennes, [1] le Parlement de Bretagne, créé en 1554, se fixe définitivement à Rennes en 1561. La construction d'un palais avait bien été décidée mais faute de ressources et dans le contexte des guerres de Religion, la construction est retardée et le Parlement prend provisoirement ses quartiers au couvent des Cordeliers, trop étroit et mal commode. En 1609, la paix revenue, le roi Henri IV octroie des lettres patentes qui permettent de prélever un impôt destiné à la construction d'un palais. Le roi écrit à René de Bourgneuf, Pierre Brulon, Louis Braillon, Bertrand Glé et Méjusseaume, c’est-à-dire aux conseillers rennais et au capitaine) :

« Ayant le roy Henry estably dès l’an 1554 une justice souveraine et parlement audit pais et le siège d’icelle aresté en nostre ville de Rennes cappitalle et principalle dudit pays en laquelle combien qu’elle soit de grande estendue peuplée et remplye de grand nombre de maisons touttefois il n’y en a aucun pallais ny maisons à nous appartenans propre pour nous loger quant yrions en icelle ny autre lieu basty ny commode pour tenir nostredite court de parlement qui a ceste cause que jusques à présent l’on se seroit servy pour ce faire des maisons des Cordelliers dudit lieu les logis desquels sont fort incommodes et à présent si pressez à raison que les sacs registres et papiers de nostredite court croissent chaincun jour qu’il ne se trouve lieu audit couvent pour les pouvoir retirer. Pour à quoy pourvoir et affin aussy de faire faire quelque honorable maison tant pour nous loger et nos successeurs quant nous yrons en nostredite ville de Rennes que pour tenir nostredite court de parlement les bourgeois manans et habitans d’icelle s’estans assemblez en leur maison commune le 7 juin dernier pour délibérer des moiens plus commodes pour la construction d’une maison et palais auroit advisé sous nostre bon plaisir faire lever pour le temps de cinq ans sur certaines marchandises entrans et sortans de ladite ville et chastellenie de Rennes certains debvoirs cy après déclarez et spéciffiez. »

À partir de l’autorisation royale, le projet de construction n’a plus été abordé pendant plus de trente ans en raison du manque d'argent et de la surcharge de l'emploi du temps du corps de ville. Le projet resurgit au début de l’année 1581 lorsque l’avocat au parlement Guy Meneust, futur sénéchal de Rennes, suggère au corps de ville que le démarrage du chantier pourrait amener « l’assurance du parlement en ceste ville » et ainsi permettre d’abattre à jamais les prétentions nantaises. Il fit remarquer que les lettres du roi autorisant l’établissement commençaient à vieillir, et conseilla de « commancer à faire bastir et construyre ledit pallays pendant que l’affaire et arrest susdit estoit de fresche mémoire ». . Le 10 janvier, Guy Meneust déclara encore que « si on avoit commancé à faire ledit palays, cela pourroit rompre coup ausdits Nantoys »

Le roi accorda aux Rennais en 1600 la levée d'un sol sur chaque pot de vin vendu en ville et dans les faubourgs employé pour deux tiers au financement du palais et d'un tiers aux besoins de la ville. La liste annonce avec précision des taxes sur divers produits du commerce. Les Rennais possédant des métairies autour de la ville devraient financer sur leurs deniers un « devoir de charroi » pour amener les matériaux nécessaires. Le corps de ville choisirait un endroit pour la construction sous arbitrage des officiers de justice. On remarque, dans le discours de l’administration royale, le processus d’appropriation qui est à l’œuvre : avant d’être le palais du parlement, le bâtiment sera un palais utilisable par le roi.

En 1609, les conseillers du parlement se plaignent d'être bien mal logés au couvent des Cordeliers, au préjudice des religieux et à l'encontre des intentions du fondateur et depuis neuf ans la Communauté de ville engrange des recettes substantielles. À partir de 1615 on achète les terrains des Cordeliers et de particuliers parmi lesquels le fils de l'historien D'Argentré.

Le 15 septembre 1618, la première pierre est posée et les travaux vont durer près de quatre décennies.

Inauguration

Le 11 janvier 1655 fut une journée historique qui vit le Parlement prendre solennellement possession du Palais, alors dans tout l’éclat de sa nouveauté.

Ce fut ce jour-là joyeuse et brillante fête pour toute la ville de Rennes [2] Dès le samedi 9 janvier, les syndics et les députés de la Communauté de Ville demandèrent l’entrée du Parlement et, après y avoir été introduits, témoignèrent à la Cour leur reconnaissance des soins qu’elle avait pris pour rendre ce palais à sa perfection, puis ils la supplièrent très humblement d’y vouloir bien faire son entrée le lundi suivant, 11 janvier. Le Président Claude de Marbœuf, remercia les députés et assura de la protection de la Cour la Communauté de Ville qui savait rendre l’obéissance à Sa Majesté et la soumission aux arrêts du Parlement.

À la date convenue, le lundi 11 janvier, le corps de Ville s’assembla en son hôtel à 7 heures du matin et, revêtu de ses habits d’honneur, se rendit avec ses officiers ordinaires à l’ancien palais où le procureur syndic « fit ses compliments à la Cour et pria MM. du Parlement d’avoir pour agréable de quitter cette vieille maison d’emprunt et aller loger en leur Palais neuf ».

Aussitôt la Cour sortit, en robes rouges, accompagnée du corps de Ville, de la chancellerie et du présidial, pour assister à la messe en l’église Saint-François. Immédiatement après la messe, le corps de Ville se rendit sur le perron du Palais pour y attendre le Parlement qui y fut conduit processionnellement au chant du « Veni Creator » par les religieux Cordeliers, revêtus de leurs chapes, et fut harangué par le syndic : « Y ayant un siècle tout entier et plus, dit-il, que la Ville de Rennes a le bonheur de conserver chèrement dans l’enceinte de ses murailles une des plus souveraines et augustes Cours du Royaume qui est celle du Parlement de Bretagne, le plus digne ornement de cette capitale, et quoique toutes ces longues années semblassent nous devoir mettre à couvert de l’envie et de la jalousie de nos voisins, nous avons nonobstant, dans la vicissitude des temps, essuyé les attaques de nos plus proches qui se seraient mis en devoir, à diverses reprises, de nous priver de notre bonheur, se faisant forts de notre impuissance de ne pouvoir dignement loger chez nous le Temple de la Justice ni lui ériger des autels. Mais, comme la Fortune aide toujours les nouveaux conquérants, trente-six ans après avoir jeté les premiers fondements de cet auguste et magnifique Palais, nous sommes enfin, grâce à Dieu, heureusement venus à bout de cette haute entreprise. Par ordre exprès de notre Communauté, nous vous prions de toute l’étendue de notre affection de vouloir bien y faire votre première entrée et de vous aller placer sans plus longue attente, revêtus de votre pourpre éclatante, marque de royauté, sur vos sièges couverts de fleurs de lys, pour y tenir vos grands jours et y rendre vos oracles… Vous nous donnerez satisfaction, s’il vous plaît, et pour comble de notre bonheur, vous nous permettrez d’être parfaitement unis d’affection et de volonté avec vous, comme d’un lien indissoluble… »

Le président de Marbœuf répondit par des paroles pleines d’affection pour la communauté, puis ces messieurs firent leur entrée, au bruit des salves d’artillerie tirées de la tour du Bât, par la salle des procureurs dans laquelle, devant un autel dressé à cet effet, les frères Cordeliers chantèrent le « Te Deum ».

À l’issue de l’audience solennelle à laquelle il assista, avec les présidiaux, les juges royaux et la chancellerie, le corps de Ville alla mettre le feu « à des bûchers préparés sur la place où le peuple assemblé sans nombre témoigna sa reconnaissance par des cris de « Vive le Roy », puis, rentré en son hôtel, il ordonna que les miseurs en charge délivreraient deux livres de bougie à chacun des membres présents de la communauté. À cette occasion, le corps de ville avait fait constater le droit qu'il avait de mettre les armes de la ville au haut du perron mais une fois sculptée la pierre portant l'écusson municipal l'année suivante, le parlement ne se souvint plus de sa promesse qui, n'ayant pas été consignée sur ses registres, ne fut pas exécutée. [3]

Description

Le palais est ce qu'il y a de plus remarquable dans cette paroisse [Saint-Germain], la première pierre y fust mise le 15 septembre 1618 par monsieur de Bourneuf, alors premier président, et par les commissaires nommés à cet effect. On enferma dans deux pierres deux médailles de bronze doré, sur l'une desquelles est le portrait du roy, et sur le revers les armes de france pleines ; sur l'autre sont les armes de france mipartie de Bretagne, et sur le revers celles de la ville qui fournist ces médailles.

La loi (photo Pymouss, de Wikimedia Commons) Les autres figurent la Force, l'Éloquence et la Justice
Statues d'origine avant la mise en place de réinterprétations au faîte du palais rénové, telle La Loi (à gauche) [4]

Le palais est un bastiment caré composé de quatre corps de logis élevés sur un massif dont tous les embas ou raits de chaussée sont voustés. La façade est un beau péristile flancqué de deux pavillons en avant corps d'un ordre dorique très bien exécuté. On y monte par un grand escalier qui est en dehors au haut duquel on trouve une plateforme ou terrasse très vaste d'où on entre dans la sale des procureurs qui est un vaissau d'une grandeur extraordinaire fort élevé qui se termine par un ceïntre orné au milieu d'un grand écusson des armes du roy, le tout à compartiment en relief et semé de fleurs de lys d'or et d'hermines.

A son extrémité on trouve deux galleries intérieures soustenues et formées d'arcades qui communiquent à toute les chambres. La cour est au milieu et environnée de cette gallerie, ce qu'il y a de plus remarquable est le grand chambre qui excelle par la beauté de son platfond. La dorure et les ornements répondent à la finesse de ses peintures qui sont D'Errart, elles ont toutes raport aux fonctions de la justice, la chambre du conseil est de Jouvenet[5], fameux peintre, et très ornée. Les autres chambres n'ont rien que de noble et de gratieux quoyque l'ouvrage n'en soit pas si fini. Enfin tout est si régulier, et d'une architecture si exacte dans ce bastiment qu'il peut faire honneur à son siècle, et passer pour un des plus beau palais de france, mais ce qui luy donnera un nouvel agrément est la place qui se construit actuellement vis à vis. Les bastiments dont quelqu'uns sont déjà commencés seront d'une architecture uniforme et très régulière. L'ordre en est yonique. La statue équestre du roy Louis Le Grand qui sera placée sur un pied d'estail de marbre enrichi de bas relief de bronze en fera le principal ornement. La province en fait la dépence.

Le parlement qui tient les séances dans ce palais est un des plus noble parlement de france. Il fust cré en 1553 par Henry 2. Au lieu et place de la chambre nommée le parlement des grands jours. Il fut partagé en deux séances de chacune trois mois dont l'une se tenoit à Rennes aux mois d'aoust, septembre et octobre, l'autre à Nantes aux mois de feuvrier, mars et avril. Henry 4 le prorogea pour toute l'année et le divisa en deux semestres en le fixant à Rennes, son édict est de 1600. Depuis ce temps-là, il a toujours subsisté dans la même forme jusqu'au mois de mars 1724 que le roy Louis 15 à présent régnant l'a rendu ordinaire en réunissant ces semestres autant pour le bien de ses sujets de la province de Bretagne que pour faciliter le rétablissement de la ville de Rennes, par l'édit du mois de mars 1724.

Le parlement de Bretagne est composé de six chambres, mais réduites à cinq par l'édit du mois de septembre de la même année, les deux des requestes ayant esté réunies. Ces chambres sont la grand chambre, la tournelle, les deux des enquestes, et celle des requestes. La grand chambre est composée de monsieur le premier président qui est à présent monsieur de Brilhac[6], de quattre plus anciens présidents à mortiers et de 34 conseillers, la tournelle de cinq présidents à mortiers derniers en réception de vingt conseillers, sçavoir dix de grand chambre, cinq de chacune chambre des enqueste, qui servent depuis l'ouverture du parlement jusqu'à pasques et sont remplacés par un pareil nombre de conseillers tiré de chacune des dittes chambres depuis pasques jusqu'à l'ouverture de la chambre des vacations.

Les officiers qui servoient aux enquestes dans le semestre d'aoust avant la réunion, ont suivant la déclaration du roy fait et composé la première chambre des enquestes, et ceux qui servoient dans le semestre de feuvrier, la seconde des dittes chambres. Les conseillers de l'une et de l'autre de ces chambres montent en grand chambre indifféremment suivant l'ordre et l'ancienneté de leurs réceptions. Chacune de ses chambres est composée de trois présidents et de trente conseillers comme il est plus amplement porté par le réglement du 5 juillet 1724. La chambre des requestes consiste en quatre présidents et douze conseillers. L'ouverture du parlement se fait le lendemain de la feste de St Martin par un discours que fait monsieur l'avocat général, et un autre prononcé par monsieur le premier président, il finist le 24 août de chacune année, après le quel temps commence la chambre des vacations dont monsieur le premier président fait l'ouverture, elle est composée de deux présidents à mortiers et de seize conseillers dont 8 sont de grand chambre et quatre de chacune des enquestes, cette chambre ouvre le 26 août le lendemain de la feste de Saint Louis et finist le 17 octobre veille de la feste Saint Luc.

Architecture

"Ce palais, le plus beau de France"

Partie du plan Hévin comprenant le palais du parlement non loin du mur de clôture au nord une décennie après son achèvement.

Construit de 1618 à 1655, le palais a vu se succéder plusieurs architectes, comme Germain Gautier, Pierre Corbineau, Jacques Gabriel ou Salomon de Brosse. Le rez-de-chaussée est en granit gris des îles Chausey[7], le tuffeau orné de décors sculptés, provient du val de Loire et l'imposante toiture pentue est d'ardoises de Maël-Carhaix.

Lors de l'incendie de 1720
La Cour d'assises, carte postale Laurent-Nel vers 1925

Dans une lettre à sa fille madame de Grignan[8], en date du 23 octobre 1689, Madame de Sévigné écrit, :" Il y a très bonne compagnie à Rennes, tout y brille de joie; les Bretons [...] ne songent qu'au retour du Parlement dans cette ville et dans ce palais le plus beau de France".

La charpente du Palais, surnommée "la Forêt", avant l'incendie des 4 et 5 février 1994, chef-d'œuvre des charpentiers rennais

En revanche, au 19e siècle, il est apprécié différemment par certains, notamment un voyageur comme Vaysse de Villiers qui le trouve attristant avec un défaut de proportions [9] ou ce touriste britannique qui, en 1859, ne retient de cet édifice imposant que "les quatre admirables statues d'éminents jurisconsultes" ! [10] Le la est donné à tous les guides de voyage du 19e siècle qui commettront de ce palais une présentation dans l'ensemble sévère.

Sous la troisième République, l'architecte Jean-Marie Laloy veut rendre au palais son aspect d'origine. Il contribue à faire classer l'ensemble de l'édifice parmi les "Monuments Historiques" le 18 janvier 1884. On restaure le faîtage de la toiture disparu à la Révolution. On dépose la grille installée par l'architecte Charles Millardet et on envisage un moment de reconstruire l'escalier de Salomon de Brosse. Jean-Marie Laloy s'intéresse aussi aux salles lambrissées du 17e siècle et passe commande à la Manufacture des Gobelins de grandes tapisseries décoratives qui seront exécutées de 1902 à 1924.

L'incendie

Le Palais du Parlement avait échappé à l'incendie de 1720: "Le palais se garantit par sa hauteur et par la quantité d'eau qu'on transporta dans les plombs avec laquelle on eteignoit les flammes des que le vent y portoit."[11]

Le Palais du Parlement en 1892
La bibliothèque de la Cour d'Appel avant l'incendie de 1994.

Le 5 février 1994 à 0h30, après une journée difficile marquée de violentes manifestations des marins-pêcheurs, les sapeurs-pompiers reçoivent plusieurs appels leur signalant que le Parlement est en flammes. L'incendie mobilisera 150 soldats du feu, et restera gravé dans la mémoire des Rennais. La reconstruction s'est étendue sur 10 années. Une partie des services de la cour d'Appel a pu réintégrer le palais dès octobre 1999. Elle a coûté 54,88 millions d'euros.

Timbre de 1960
Timbre de 2000


Références

  1. Le Parlement à Rennes
  2. Registres secrets du Parlement, 1655, et registres du Greffe de la Maison commune de Rennes, 1655, folios 7 et 10, verso
  3. Histoire de Rennes, p.321, Émile Ducrest de Villeneuve et D. Maillet. Edouard Morault, libraire. Rennes - 1845
  4. Rennes et ses environs, guide illustré. Adolphe Orain. Bahon-Rault - 1911
  5. rue Jean Jouvenet
  6. rue de Brilhac
  7. allée des Iles Chausey
  8. avenue de Grignan
  9. Palais du Parlement en 1820 : "Attristant"!
  10. Rennes vu en 1859 par un Britannique
  11. Récit de M. de Jacquelot, député aux Etats de Bretagne, manuscrit détenu par le Dr de Closmadeuc, Vannes. Bulletin de la Société des bibliophiles bretons - 1905, vol 25
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Voir aussi

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