La Vilaine, un fleuve et non une rivière

La Vilaine (breton : Gwilen ou Gwilun) a un vilain nom en français. Il viendrait de la couleur jaune des eaux boueuses : ar ster velen en breton la rivière jaune, ou ar ster vilen, la rivière aux moulins, effectivement nombreux jadis, hypothèse d'autant plus tenace que son aspect en ville ne le dément pas souvent.

Elle est bien un fleuve puisqu'elle se jette directement dans la mer par un estuaire majestueux. Géographiquement le terme "rivière" est donc inadéquat. Elle prend sa source dans le département de la Mayenne, à une faible altitude de 153 mètres, dans les collines de Juvigné, au sud-ouest d'Ernée. et se jette dans l’océan Atlantique entre les communes de Camoël   (le Moustoir) et de Pénestin   (Tréhiguier), dans le département du Morbihan. La longueur de son cours est de 236 km. Ses affluents sont nombreux que l'on apprenait engéographie voici des décennies : la Cantache, la Veuvre, la Flume, la Vaunoise, le Meu, la Seiche, le Canut, le Blosne[1], le Semnon, la Chère, le Don (Oui ! mais pas la Volga), l'Oust, l'Isac, et... l'Ille qui, jointe à son nom donne le sien au département d'Ille-et-Vilaine.

Cette confluence est à l'origine d'un premier nom de la ville de Rennes :Condate établie sur une butte dominant d'une quinzaine de mètres les zones marécageuses de l'Ille et de la Vilaine. Passée la ville, le fleuve vire au sud pour devenir maritime en aval de Redon qui disposait administrativement d'un port de mer. Elle fut un des premiers fleuves qu'on canalisa : de Rennes à son embouchure et par le canal d'Ille-et-Rance se fit la liaison Manche-Océan en 1851.

 
En 1726 La Vilaine se tortille dans Rennes et enlace la cité sur le plan de Robelin et Gabriel

L'eau est souvent jaune et même parfois sale. Elle ne devait pas être si sale ou l'on n'était pas difficiles et regardants : à la fin du 19e siècle, au Gué de Baud, en amont de la Vilaine canalisée et au Cabinet-Vert, en amont du Pont Laënnec, on se baignait dans le fleuve en respectant les dispositions arrêtées par le maire pour les baignades publiques ouvertes le 1er juin, comme l'indique un arrêté municipal du 20 mai 1899 : à la baignade du Gué de Baud, un drapeau hissé marque l'occupation de la baignade par les troupes de la garnison, les après-midi du lundi au vendredi compris. Elles sont surveillées par des maîtres nageurs et limitées par des poteaux. Il est défendu de s'y baigner sans caleçon ou autre vêtement ou dans d'autres lieux. Il y a même des cabines fermées au Cabinet-Vert avec un droit d'utilisation de 0,10 F. Et même on y lavait le linge en 1940

 
Sur les marches en bas des quais en 1940

et le 15 août 1944 : à Rennes on se baigne dans la Vilaine  !

Un fleuve que l'on domestique au 19e siècle

La Vilaine divisait la cité en deux parties, géographiquement et socialement distinctes : ville haute au nord, ville basse au sud où elle divaguait en divers bras (ruisseaux de Brecé, de Joculé) [2] [3]participant de la défense de la ville. Elle est canalisée en ville dans les années 40 et 50 du 19e siècle, reprise des ambitions d'urbanisme de Robelin et Gabriel dessinées après l'incendie de 1720. Le boulevard de la Liberté est construit sur un bras comblé en 1859-1860.

Le fleuve et l'Ille continueront de fixer, pendant plusieurs décennies, de nombreuses activités liées à l'eau : blanchisseries, bateaux-lavoirs − une photographie de 1889 en montre quatre le long du quai Lamennais − usines telles que papeteries, tanneries et moulins tels que les moulins Logeais qui existent encore en centre-ville, rue Duhamel.

...puis que l'on se met à cacher au 20e siècle

L'enfilade des quais prolongée en amont par la Vilaine canalisée jusqu'à l'écluse Chapelle-Boby, va voir l'eau disparaître en grande partie au regard. Le kilomètre est du canal fut comblé au début des années 70 du 20e siècle pour y aménager des parcs de stationnement. En prolongement de la première couverture exécutée en 1912 pour y aménager des jardins devant le Palais du Commerce en construction, on couvrit la Vilaine en aval en 1961 pour y aménager d'autres parcs de stationnement automobile. D'obstacle et de frontière entre deux zones urbaines nettement différenciées, la Vilaine couverte était devenue zone dédiée à la voiture et espace d'union entre ces deux zones ainsi réunies.

 
En 1958 : l'imprimerie et le parc Oberthur, le canal avec, à gauche, l'écluse de la Chapelle Boby, et, derrière l'avenue Sergent Maginot, le quartier du vélodrome

Ce fleuve tranquille n'en a pas moins été sujet à de formidables débordements,[ notamment en 1881 [4], lors des inondations de 1936 et de l'inondation de Rennes en octobre 1966 et en 1974.

pour se le réapproprier au 21e

 
Vue de la Vilaine du Quai de la Prévalaye, à Rennes (au fond, le pont de Bretagne).

La fin de la batellerie qui utilisait jusqu'en 1975 le quai de la Prévalaye et le quai Robinot de Saint-Cyr, sur le fleuve, notamment pour le stockage de sables pour le bâtiment, a coïncidé avec les premiers projets de remodelage des quartiers en intégrant les rives désormais considérées comme facteur valorisant et ceci jusqu'à hauteur du quai d'Auchel,sur des programmes conçus par l'urbaniste Alexandre Chemetoff. En fait la prise en considération de l'eau commença un peu avant avec l'aménagement du quartier de Bourg-l'Evesque[5]. On n'occulte plus le fleuve et La promenade des Bonnets Rouges en témoigne ainsi et à l'est, l'aménagement des berges le long de l'avenue François Château, dans le secteur Baud-Chardonnet en sera une autre application. Péniches et bateaux de plaisance signalent le nouvel accord entre les Rennais et les eaux, avec la reconquête des berges. Et d'aucuns aimeraient bien voir casser "la dalle" couvrant le fleuve entre le quai Duguay-Trouin et le quai Lamennais.

Il n'est pas étonnant que cet étrange fleuve figure maintes fois dans le poème d'un Rennais.[6]

 
Vue de la Vilaine du pont de Bretagne, à Rennes.

liens internes